Sereins,
les magnifiques bouquets n'en finissent pas de mourir...
Devant les fleurs coupées que
j'admire mon esprit et mon corps se mettent en tension, ce qui
précède le moment de peindre est cet émerveillement devant cette
beauté farouche où l'informe et l'exaltation de la couleur se
trouvent associés. L'informe qu'il faut comprendre non comme le
sans-forme immobile mais comme la matrice d'une infinité de formes
possibles, des formes en surgissement continu et donc difficilement
saisissables. La fleur disposée dans l'atelier fait surgir comme
par effraction, la couleur à son paroxysme. La tache colorée crée
littéralement une déchirure dans l'espace blanc réservé de
l'atelier. Elle concentre la couleur dans une forme concrète, la
fait advenir dans un corps réel. La fleur incarne la couleur dans sa
condition suprême.
Forme florale, faite de plis et de
replis, de ploiements de recroquevillements. Forme rondes comme des
yeux, comme des bouches ouverts regardant, proférant. Formes
démultipliées en pétales mouvants, élancés, radiants ou
retournés protégeant et dissimulant un centre, un cœur, un secret.
Peindre des fleurs et retrouver
l'émotion du baroque qui tend vers des désirs paradoxaux :
désir du chaos et effroi du chaos. Peindre cette ambivalence en
créant des signes plurivoques, Dialectiser la confrontation Art
et/ou Nature en faisant fluctuer la distance, en remarquant
l'écart. La représentation picturale intervient comme supplément
qui prolonge et accomplit la Nature ; c'est à dire la fait
advenir comme phénomène incontournable, amplifiant la puissance de
sa présence au monde, lui attribuant un pouvoir de comparution dans
sa mise en présence avec le regardeur.
Exploration d'une
pluralité de médiums
Je travaille avec plusieurs médiums,
peinture, dessin, installation, gravure et céramique.Le noyau dur
de ma démarche, c'est la fragilité. Peindre la fragilité de la
fleur et son exubérance. Peindre la fragilité de l’être et sa
solitude et sa mise à l'épreuve dans le réel qui trouve son écho
dans les mythes et les contes et métaphoriquement dans la figure
florale. Cette fragilité ontologique induit en réaction, la
puissance d'un investissement total dans l'acte créateur vécu sur
le mode d'un rituel d'initiation.
L'ampleur des formats, la puissance du
geste, l'intensité maximum de la couleur construisent l'oeuvre en
tant que réponse paradoxale à ce sentiment de fragilité.
Dans les dessins et gouaches en petit
format ainsi qu'en céramique et en gravure c'est l'univers des
mythes grecques et des contes européens hérités de ma grand-mère
qui imprègnent notre histoire commune qui sont investis et modifiés
à l'aune d'une mythologie personnelle.
L'universelle et l'intime rentrent en
résonance tantôt sur le mode tragique, tantôt sur le mode de la
bouffonnerie